Certains d'entre vous l'ont vu venir avant moi. Certains ont essayé de m'avertir ou me retenir. D'autres m'ont poussé à aller de l'avant, m'aidant à voir l'impossible, à accepter l'impensable...
Honnêtement, je n'aurais jamais cru que ce jour arriverait. Je n'aurais jamais pensé que je voudrais à nouveau appeler la France ma maison. Mais, n'est-ce pas là la magie de la vie après tout ? Un jour, on croit fermement en quelque chose, et le lendemain, tout a changé.
De toutes les décisions que j'ai pu prendre, celle-ci est peut-être de loin, pour vous, la plus inattendue. Pour moi, tout m'a paru logique. Lorsque son cœur est attiré là où tout a commencé, on ne peut que le suivre...
Alors, "here I come, here I go", France, me voilà...
RENTRER CHEZ SOI ?
Si vous avez suivi mon parcours, vous savez que le concept de « chez-soi » est l'un des sujets que j'aime le plus explorer. "C'est où chez soi, comment trouver cet endroit, comment fait-on pour se sentir bien chez soi ?"
J'ai quitté la maison quand j'avais 16 ans. A l'époque, j'avais l'impression déjà de ne pas être enracinée dans mon chez moi. Je n'avais pas encore quitté la France que je me sentais déjà comme une expatriée dans ma vie. Je ne me suis jamais réellement sentie à l'aise avec moi-même. Je pensais que les gens ne me verraient, ne me comprendraient et ne m'accepteraient jamais vraiment.
“T'es trop susceptible/sensible. Tu penses trop. Tu rends tout trop compliqué. Calme toi. Pourquoi tu questionnes tout, tout le temps ?! ”
Comment ne pas le faire ? Comment pourrais-je empêcher mon cerveau de penser autant ? Comment pouvais-je m'empêcher de ressentir si profondément ? Pourquoi tout cela était-il si mauvais pour les autres ? Pourquoi les gens voulaient-ils tant que je change ?
Résister était plus fatigant que s'intégrer. Alors j'ai pris moins de place, j'me suis fondue dans la masse et je me suis intégrée parce que c'est ce que tout le monde semblait vouloir. Et puis, je savais très bien comment faire, après tout.
Jusqu'à mes 25 ans. Soudain, toutes mes questions existentielles sont revenues à la surface. Ma vie me paraissait tellement en décalage. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander : Ai-je choisi d'être ici ? Est-ce la vie que je veux ? Est-ce vraiment moi ? Qui suis-je vraiment ? Les choses allaient vite. J'étais sur le chemin parfait d'un bon travail, d'une maison, d'un partenaire et d'enfants. J'avais PEUR.
Après les attentats de 2015 à Paris, cela m'a frappé encore plus fort. J'aurais pu mourir cette nuit-là. Ma vie n'avait plus aucun sens. J'avais besoin de partir, tout quitter, juste pour un an ou deux, pour m'assurer que j'étais sur le bon chemin. J'avais besoin d'enlever quelques couches pour voir ce qu'il restait. J'avais besoin de m'assurer que j'avais bien choisi tout cela.
J'ai commencé à planifier mon échappée et, en 2017, je suis partie pour une semaine de voyage en solo à Barcelone, qui s'est transformée en sept années de vie à l'étranger.
A LA RECHERCHE DE QUOI ?
Si aujourd'hui, je peux donner un sens à tout cela, je ne savais pas ce que je cherchais pendant toutes ces années à l'étranger. Par intuition, je savais que je devais continuer à avancer. J'avais besoin d'explorer, d'essayer des choses et de me comprendre plus profondément. Mais je n'avais aucune idée de ce que je devais trouver pour arrêter de fuir.
Je pensais que ce que je cherchais c'était une échappatoire, un but, un partenaire, un foyer, ou simplement une certaine distance par rapport à une famille dysfonctionnelle. J'ai trouvé des réponses, des morceaux de moi-même, de l'amour avec d'autre, un "chez moi" plusieurs fois et un sentiment d'appartenance. Pourtant, j'ai continué à fuir, me sabotant inconsciemment chaque fois que j'avais une chance de m'installer parce que peut-être je ne pensais pas que je le méritais.
J'ai toujours été douée pour nouer des relations avec des personnes très différentes, issues de cultures et de pays différents. Pourtant, jusque là, je n'avais jamais vraiment essayé d'en établir une avec moi-même. Jusqu'au début de l'année dernière...
En janvier 2023, après un énième chagrin d'amour, écœurée par mes échecs relationnels et insatisfaite dans certaines de mes amitiés et relations familiales, j'ai décidé que je continuerais seule s'il le fallait. Mais, au moins, je le ferais en vivant une vie que j'aime.
Et c'est ça qui a TOUT CHANGÉ.
J'ai perdu des amis, j'ai passé beaucoup de temps seule, j'ai beaucoup pleuré et j'ai appris à m'aimer quoi qu'il arrive. J'ai arrêté de vouloir me changer et j'ai appris à m'accepter telle que je suis. J'ai commencé à voir et comprendre que certaines personnes autour de moi m'aimaient et m'acceptaient depuis des années, exactement parce que je suis comme je suis. Et que j'avais passé mon temps à les rejeter parce que je ne savais pas que l'amour pouvait se ressentir ainsi.
J'étais bien en quête d'amour et d'acceptation, mais aucun nouvel ami, pays ou culture n'aurait jamais pu me les apporter. C'est à l'intérieur de moi que je devais construire tout cela, et c'est ce sur quoi je me suis concentrée, toute cette dernière année. Au fur et à mesure que je m'imprégnais de ces nouvelles définitions de l'amour dans mes relations, j'ai fini par comprendre que quitter la maison n'avait jamais été une question de découverte de soi mais plutôt d'acceptation de soi.
C'est à ce moment-là que j'ai eu l'impression d'avoir bouclé la boucle à l'étranger. C'est là que j'ai commencé à vouloir rentrer, pour ramener ces apprentissages à l'endroit où tout avait commencé... Histoire de clore ce chapitre, de fermer ce livre et de pouvoir enfin, en commencer un nouveau.
7 années plus tard et une nuit à ne pas dormir, je changeais mon vol sur un coup de tête. C'était l'heure. L'heure de rentrer à la maison.
LÀ OÙ TOUT A COMMENCÉ
Les premiers jours après mon retour, je me suis trouvée très destabilisée par ce passé que j'avais fui. Je me suis sentie coincée dans de vieux schémas - familiaux et culturels - qui m'ont très vite submergée. Même si j'avais conscience que c'était une possibilité, j'avais juste envie, une fois de plus, de m'échapper. Sauf que cette fois, la fuite ne fait pas partie du plan. (du moins pour l'instant :p)
Ce qui rend le fait de rentrer chez soi après tant d'années passées à l'étranger si difficile c'est le fait qu'on est renvoyé directement dans son passé. Le piège c'est de se sentir et d'agir "comme avant", dans un espace où des habitudes, pas forcément toutes très saines, ont régné pendant plus de 20 ans. Ce sont toutes ces versions de nous qui font surface, et c'est extrêmement difficile d'aimer ces anciens "moi", surtout ceux que l'on détestait tant...
Mon passé ici est plein de peurs, de protection, de frustration et de colère. Mais j'ai changé. Les gens aussi ont changé. Je ne suis plus cette version passée de moi-même. Ils ne le sont pas non plus. Et si je suis prête à me donner une chance, je dois aussi leur donner une chance. Je ne peux pas choisir ce que je ressens, mais je peux choisir comment j'agis. Être de retour, ce n'est pas transformer le passé, c'est écrire un meilleur présent. Car c'est là que le bât blesse :
Nous ne pourrons jamais changer notre passé. Nous pouvons l'ignorer, lui résister ou le fuir pendant des années. Ou nous pouvons l'accepter, en faire le deuil et écrire de nouveaux chapitres à partir de là.
Le retour ne sera pas des plus facile. Mais c'est là tout l'enjeu. Trouverai-je le moyen d'accueillir ces démons avec autant de compassion que j'en ai trouvé pour moi-même au cours de l'année écoulée ? Trouverai-je le moyen d'accepter et d'aimer les versions antérieures de moi-même que j'avais laissées derrière moi ?
Je me donne un an. Un an pour me réadapter. Un an pour faire le deuil du passé. Une année pour aimer à nouveau. Un an pour écrire une nouvelle page. Ici, en France, comme si c'était un nouveau pays.
Et au fond, si j'arrive à m'aimer autant ici que j'ai réussi à m'aimer au Canada pendant un an et demi, alors je saurai. Je saurai que ce que je cherchais était ici depuis le début. Je pourrai enfin dire « je suis chez moi ». Et que tout a toujours été là, à l'intérieur de moi.
A très vite...
Love
Co.
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