Imaginez la scène, je suis dans un restaurant thaï, en Nouvelle-Zélande, avec mon mec de l'époque. C'est la première fois que l'on vient ici mais comme à chaque fois que je suis dans ce type de resto, mon cœur se tourne vers un curry. Il essaie de me convaincre d'être un peu plus aventurière et de tenter quelque chose de nouveau pour une fois. J'hésite, le stress monte en moi, j'adore tous les plats en sauce qui sont sur la carte mais j'ai une peur si grande d'être déçue que je n'ose pas choisir. Prise de panique et influencée par son discours, quand la serveuse arrive, je me décide dans l'ugence et me tourne vers un nouveau plat, jamais tenté. A l'arrivée de mon assiette, je goutte, je suis déçue, j'me dis que j'aurais dû prendre le curry et je me sens triste pour le reste de la soirée. Il rit et se moque de moi, me répétant qu'il n'y a pas de raison "d'en faire tout un plat" mais pour moi, la déception et la frustration sont bien réelles ce soir-là...
Cela peut paraître complètement futile voire stupide aux yeux de certains, mais quand on ressent le monde x 10 000, faire un choix peut vraiment relever du parcours du combattant... Mais alors, qu'est-ce qui rend le choix si difficile ? Pourquoi avons-nous peur de choisir ? Et pourquoi sommes-nous souvent tentés de ne pas choisir ?
VOULOIR RESTER EN CONTRÔLE
Et si je vous disais que l'une de mes plus grandes peur en bonne HSP c'est la perte de contrôle ? Et que faire un choix, c'est prendre le risque de ne plus être en contrôle ?
Si j'en crois mes lectures, ne rien décider signifie bien souvent ne rien réaliser... C'est une manière donc de conserver ainsi son super-pouvoir de maîtrise du monde. Pour les perfectionnistes comme nous HSP, ne pas passer à l'acte permet au final de fantasmer et d'entretenir l'idée de pouvoir tout réussir. Et c'est bien ce besoin d'être en contrôle permanent qui déclenche cette peur de perte de contrôle et donc cette peur de faire des choix...
Pour mieux comprendre tout cela, il m'a fallu remonter à mon enfance... Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis entendu dire petite que j'étais vraiment une bonne actrice. Inconsciemment, les adultes ne croyaient pas en l'intensité de mes émotions et les réduisaient à des actes de comédie et ou de manipulations... J'ai donc longtemps cru que mes émotions étaient anormales, qu'elles leur faisaient honte et qu'il fallait que j'apprenne à les gérer, voire les cacher*. Chaque fois que je me laissais submergée, on me disait que j'étais trop sensible, trop susceptible ou que je n'avais pas d'humour... A l'école, quand j'étais déçue de mes notes, (bien qu'excellentes) on me faisait comprendre que ce n'était pas normal de ressentir de la frustration ou de la déception avec un 18/20... L'un dans l'autre, avec le temps, j'me suis dit que ce truc qui bouillonnait en moi et me faisait exploser de rage parfois, était à faire taire. Et je suis ainsi devenue comme obsédée à l'idée de garder le contrôle.
Si j'étais en maîtrise de ces émotions négatives que les autres n'aiment pas chez moi et que, mieux, je pouvais tout faire pour les empêcher de surgir, je deviendrais alors aux yeux des autres, une meilleure personne... Et ce sont ces mêmes schémas que j'ai peu à peu reproduit au fil des années face à toute situation désagréable. Faire un choix peut entrainer un paquet d'émotions, pas toujours agréables, alors, ne pas choisir, c'est éviter l'émotion négative et ainsi le jugement des autres.
EVITER D'AFFRONTER LES CONSÉQUENCES
Aussi, ne pas savoir choisir c'est éviter d'affronter les conséquences. Car, la seule personne que je puisse rendre responsable d'avoir fait un mauvais choix, c'est moi et cela rend le choix d'autant plus difficile et douloureux...
C'est ce qu'évoque Barry Schwartz dans sa vidéo Ted X. Quand il se retrouve à choisir un jean parmi 50 différentes versions, la seule personne qu'il accuse face à sa déception, c'est lui-même. Il n'y a aucune excuse face à l'échec... Mais si au contraire, il s'était retrouvé avec le seul modèle de jean disponible et existant sur la planète, le choix se serait fait sans décision de sa part, il n'y aurait eu personne à blâmer et mieux, il n'y aurait rien eu en son pouvoir qu'il aurait pu faire pour changer la situation en cas de mécontentement.
J'ai mis beaucoup d'années à me rendre compte à quel point j'étais très exigeante avec moi-même. Toutes mes lectures récentes sur les HPI et les HSP ainsi que le nombre incalculable de tests de personnalité que j'ai effectué ces dernières années me mènent tous au même résultat : c'est cette même quête du perfectionnisme qui m'empêche d'assumer les conséquences de mes choix. C'est parce que je suis la première (et la seule) à être si dure avec moi-même, que je n'arrive pas à accepter qu'on ait le droit à l'erreur. Je suis incapable d'assumer l'échec tout simplement parce que je sais que mon bourreau intérieur sera si dur avec moi-même que les émotions n'en seront que plus intenses...
TROP DE CHOIX TUE LE CHOIX (Le paradoxe du choix)
Enfin, le problème quand on doit choisir c'est que souvent on a le choix, trop de choix, et que cela signifie devoir renoncer à certaines possibilités, incluant alors les notions d'échec, de perte ou d'abandon. Ce qui ne nous rend ainsi pas plus heureux ou libres mais plus insatisfaits.
Dans cette même vidéo de Barry Schwartz, il évoque ce qu'il appelle le paradoxe du choix. Il y explique comment, avoir trop de choix, nous prive de notre liberté et finit par nous submerger d'émotions et de raisonnements nous empêchant ainsi de prendre une décision. Il donne l'exemple d'un financement qui avait été proposé à des employés d'une société. Plus ils avaient de choix, moins ils souscrivaient à un programme, ratant ainsi des opportunités pourtant alléchantes. La raison ? Devoir choisir parmi 50 différentes options requière du temps d'analyse et de comparaison, ce qui nous force souvent à repousser la tâche à plus tard... Et le problème avec cela c'est que bien souvent, "plus tard" ne vient jamais...
Il ajoute aussi qu'avoir trop de choix fait de nous des éternels insatisfaits. Quand il raconte son épopée pour s'acheter un nouveau jean et qu'il découvre qu'il existe 50 versions, il panique. Il passe une heure à essayer les différentes tailles et coupes qui s'offrent à lui et finit par trouver celui qui lui va le mieux. Une fois sorti du magasin, sa satisfaction fait chute libre. Pourquoi ? parce que le temps passé à comparer les différentes versions lui a donné une bonne idée de ce qui existe et indirectement, l'a rendu très exigeant avec le produit, rendant ainsi l'appréciation finale plus difficile à atteindre. En bref, avoir plus de choix fait de nous des personnes plus exigeantes et rend notre niveau de satisfaction moins facilement atteignable.
CHOISIR DE NE PAS CHOISIR
Vouloir rester en contrôle, éviter d'affronter les conséquences, faire face à son insatisfaction grandissante face à une multitude d'options, ce serait donc là, les raisons de ces peurs grandissantes et parfois paralysantes face à des décisions. Et comme pour mon curry dans la scène du restaurant thaï en intro, cela explique aussi pourquoi parfois, on est si tenté de laisser les autres choisir pour nous, nous simplifiant ainsi la tâche bien que cela ne nous rende pas plus heureux.
Si personnellement, je n'ai aucun problème à affronter mes émotions au quotidien, je dois avouer que quand il s'agit d'émotions négatives, je suis la première à fuir. C'est un peu comme l'histoire de la bouteille vide de shampoing sous la douche. JAMAIS, oh non jamais, je serai à court de shampoing. Cela fait surement 10 jours que j'ai la bouteille de remplacement dans le placard quand l'autre se termine... Le raisonnement peut paraître un peu tiré par les cheveux (c'est le cas de le dire) mais pourquoi devrais-je me faire subir de la frustration quand je peux tout simplement l'éviter ?
Et je crois que c'est bien là, la racine de mon indécision (et peut-être de la vôtre). C'est cette intensité envahissante et si désagréable de ces émotions que je cherche à tout prix à éviter par mon indécision. Choisir est si stressant et parfois si douloureux que je préfère éviter le choix, si possible et ainsi choisir de ne pas choisir...
Vous allez me dire "c'est chouette, mais parfois, on n'a pas le choix, il faut choisir." Comment fait-on alors pour faciliter le choix ? Existe-t-il des outils pour nous aider à choisir ? Restez connecté, car ce sera le sujet du prochain article sur le blog !
En attendant, prenez soin de vous,
Love,
Co.
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