Cinquième mois chez les Vikings et quel mois ! Je ne sais pas si c'est parce que c'est la fin, si l'univers s'en est mêlé ou si j'ai enfin trouvé comment mener ma vie ici, mais cette fin de mois aura été riche en aventures. Cueillette de chanterelles, Kayak au pied d'un glacier, Parapente, première rando bivouac en solo, mountain bike... "Living the real life" comme on dit en anglais... Autant de conquêtes extérieures qu'intérieures... Et puis je suis officiellement en vacances pour quelques jours. Alors vous êtes prêts ? En route pour ce cinquième mois !
ARCS-EN-CIEL DANS MA VIE
Après la pluie, le soleil rayonne. Et les couleurs de l'arc-en-ciel redonnent à ma vie quelques lueurs d'espoir. Après un début de mois placé sous le signe de l'épuisement moral, j'ai décidé de reprendre les choses en main et d'arrêter de me laisser surmener par ce boulot et ce style de vie qui ne me correspondaient pas. J'ai donc donné ma démission pour un départ anticipé de 3 semaines. Le 21 septembre prochain sera la date officielle de ma "libération".
Une fois ce soulagement pleinement ressenti, c'était l'occasion pour moi de changer de regard sur mon quotidien, sur moi-même et d'essayer d'y trouver (ou d'y construire) du positif là où j'étais incapable d'en apercevoir. De quoi tenter de vivre ces dernières semaines sous un tout autre angle de vue. Entre Dog Sitting au boulot, soirée au coin du feu et cueillette de champignons en mémoire de mon papa : un quotidien de nouveau ouvert à de petites aventures de vie.
Les journées ici passant maintenant de 26 à 13 degrés en 24 heures, je me réveille parfois sous un grand soleil à travailler en culotte, avant d'enfiler, dès le lendemain, ma doudoune et mon bonnet d'hiver. Pas évident de planifier des activités évidemment, mais cela m'a réappris à saisir l'instant présent et à sauter sur la moindre occasion pour partir à l'aventure, quand le climat le permet.
De ce fait, quand Ben et Nat, m'ont proposé de les rejoindre sur leur périple hivernal en plein été, j'ai évidemment dit OUI.
FOLGEFONNA ou LE GLACIER QUI ALLAIT TOUT CHANGER
Avec nos horaires de boulot tous plus compliqués les uns que les autres, nous avons pris la route de nuit, histoire de garder notre dimanche pour la visite du glacier. Nous n'avions pas vraiment réalisé à quel point les paysages autour de nous avaient déjà changé puisqu'il faisait noir quand nous avions planté la tente. Mais le réveil, au petit matin, était magique... et le décor, incroyable.
Nous avons repris la route de bonne heure pour parcourir les derniers kilomètres qui nous séparaient de notre objectif. Pour ceux qui ont lu mes articles précédents, il s'agit du même glacier que celui que vous aviez aperçu sur ma petite randonnée avec les parents de Ben ou d'avec mes copines.
En effet, un peu plus loin, ce glacier se jette dans un lac, accessible depuis un micro parking au sommet d'une route escarpée. Je dois avouer que de loin, j'étais un peu déçue. Il paraissait vraiment tout petit. Mais puisqu'on était là, j'n'allais pas me dégonfler. Et puis cette fois, c'est à bord de nos kayaks que nous avions planifié l'aventure...
45 minutes plus tard, nous voilà au pied du géant... Bleu. Blanc. Turquoise. Sculpté par le vent, la pluie, le soleil. Un diamant d'eau. Un chef d'œuvre de la nature...éphémère...
Je ne saurais pas vraiment l'expliquer, mais me retrouver là au pied de cette immense couche de glace, m'a donné comme un gros coup de fouet. J'étais sans voix. Tellement reconnaissante d'avoir fait le chemin jusque-là. D'être en vie, en pleine santé et d'avoir les yeux pour le voir.
Sentir le froid se dégager des parois. Entendre le crissement de la glace, les détonations des quelques morceaux qui s'écroulent dans l'eau. Les couleurs presque irréelles... Mes problèmes n'avaient soudain plus aucune importance.
Risqué ou non, j'étais là, au milieu de cette aventure presque surnaturelle. Si l'on m'avait dit un jour que je flotterai au pied d'un glacier, je ne vous aurais pas cru..
Après un pique-nique sur une île située juste en face, nous nous décidons à escalader la montagne adjacente pour tenter d'observer le glacier de plus près, les pieds sur le sol cette fois. Aventuriers mais pas imprudents, avant de partir à la conquête du sommet, nous nous assurons tout de même de "verrouiller" les bateaux en cas de chute de glace. L'important c'est de pouvoir rentrer ;)
40 minutes de montée plus tard, sur un sol rocailleux et instable, la vue est encore plus époustouflante au côté de ce colosse de glace...
Je ne saurais l'expliquer, mais cette expérience m'a réchauffé le cœur. Je ne me suis jamais sentie aussi petite, éphémère moi aussi que là, au milieu de ce bleu turquoise. Ma vie n'avait plus d'autres intérêt que celui de vivre pour ce genre de moments.
Lors de ces micro-expéditions, j'ai l'impression de vivre pleinement et de respirer, pour de vrai. Aussi contradictoire que cela soit, c'est au milieu de ce danger figé que je me suis sentie la plus vivante.
Je sais que ma maman, comme toutes les mamans, quand elle lira cet article elle aura peur pour moi. Et je ne vais pas mentir, oui, bien sûr l'aventure était à risque. Si une pièce de ce glacier se détache, cela peut créer des vagues plus ou moins grandes qui auraient pu dans le pire des scénarios, nous faire chavirer, tomber dans l'eau, perdre le bateau... On aurait pu glisser aussi lors de notre escalade. Mais j'aurais aussi pu me faire écraser sur la route en traversant dans le centre-ville de Voss. Tomber dans les escaliers et ne pas me relever. Ou tout simplement, me coucher sans jamais me réveiller... Le pourcentage est le même. Mais je préfère 100 fois ressentir l'adrénaline et le stress liés à l'aventure que celui lié à nos modes de vies sédentaires, à nos boulots bourrés d'incohérence ou à notre société.
Tout là-haut, au milieu de ce désert de blanc, j'ai aussi réalisé à quel point mon papa aurait adoré être là avec moi. Il m'a transmis le goût de l'aventure. Il a passé sa vie à partager les siennes avec moi. Je me souviens pleurer pendant des heures et me dire à quel point c'était injuste qu'il parte aussi jeune, qu'il avait encore bien trop à voir et à vivre avant de pouvoir s'éteindre sereinement.
La mort d'un proche est l'expérience la plus douloureuse que j'ai endurée jusqu'ici. Alors, vous infliger ça, avec ma propre mort, était complètement inconcevable. C'est pour ça que ces derniers mois, inconsciemment, j'ai oublié de vivre. Pour moi. Pour mon bonheur. J'évitais certaines activités que j'adore, sous prétexte qu'elles soient dangereuses. Je m'imaginais la tristesse et les dégâts pour vous, s'il devait m'arriver quelque chose à moi aussi...
Et en même temps, j'entendais encore les échos de cette dernière conversation avec lui, en novembre dernier, où il me disait qu'il fallait profiter de l'instant présent, car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Que s'il y avait une leçon qu'il avait tiré de tous mes articles de blog en Nouvelle-Zélande, c'était celle-là. Que la vie est plus belle quand on la vit au présent...
Alors ce mois-ci, je me suis autorisée à vivre. Pleinement. Parce que je ne sais pas de quoi demain sera fait. J'n'ai pas envie de me réveiller un jour à 40, 50, 70, 90 ans, en me disant "et merde, je suis trop vieille pour ça maintenant". Je veux vivre ma vie maintenant. Car il avait raison mon père, on ne sait jamais de quoi demain sera fait.
LA GRANDE AVENTURE D'ÊTRE MOI
Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais quand j'étais en Nouvelle-Zélande, j'avais partagé avec vous une citation disant "J'accepte la grande aventure d'être moi" de Simone De Beauvoir. Et bien, moi, Coralie, en cette fin d'août 2019, et en mémoire de mon papa, j'ai accepté à nouveau la grande aventure d'être moi...
En l'espace de 24 heures, l'univers m'a apporté comme sur un plateau, 3 opportunités qui m'ont prouvé une seule et même chose : l'importance de faire les choses pour soi.
J'ai eu l'opportunité de retourner voler dans les airs, avec Marcio, au-dessus de Voss. Une expérience symbolique et un vol tout en émotions puisque ma première fois, je l'avais partagé avec mon père il y a maintenant deux ans, au-dessus des Alpes enneigées.
Quelques heures plus tard, je partais pour la première fois en randonnée et bivouac en solo au sommet d'un des fjords. Malgré la peur d'être livrée à moi-même le temps d'une nuit en pleine nature, je me suis dit qu'il fallait que je le fasse. Pour moi. Parce que c'était sur ma liste en Nouvelle-Zélande. Mais que je ne m'en étais jamais senti la force...
Accompagnée de ma tente, mon sac à dos et mon ukulélé, me voilà repartie à la conquête de moi-même. Kiellandbu est sans doute la plus belle randonnée que j'ai faite jusqu'à maintenant en Norvège. Rivière, cascade, toboggans naturels, lacs, ponts suspendus, montagnes, vallées, fjord, ... tout y était. Une randonnée facile. 1h30 pour atteindre le sommet. Avec un petit dénivelé.
Peut-être était-ce l'adrénaline et l'excitation d'être là par moi-même, mais les paysages me paraissaient grandioses. J'appréciais chaque instant. Les couleurs, les odeurs, le soleil qui jouait à cache-cache derrière les montagnes. Le clapotis de l'eau, le bêlement des moutons au loin dans la vallée. J'appréciais tellement chaque instant qu'au lieu des 1h30 de marche prévues, j'ai pris 2h20, incluant baignade et photos à gogo.
Une fois au sommet, la vue était magique. J'y étais. La première étape était faite. J'oubliais le poids du sac à dos et de la tente sur mes épaules. J'oubliais combien j'avais souffert ces derniers mois de ne plus être moi. Combien la situation avait était néfaste pour Ben et moi. J'oubliais tout. J'étais là. Pleinement là.
J'avais choisi cette randonnée, car au sommet, se trouvait une cabane que vous pouvez louer pour la nuit. Je savais donc que si "ça n'allait pas" j'aurais un plan B, mais une fois là-haut, hors de question de me dégonfler. 20h30, la tente était installée et mes amis les moutons commençaient à se questionner "qu'est-ce que c'est que cette chose au milieu de NOTRE territoire".
Par chance, 5 personnes dormaient cette nuit-là dans la cabane en bois. "Ouf, s'il m'arrive quoi que ce soit, je ne serai pas seule." De quoi me rebooster et écraser un peu mon imagination parfois débordante quand il s'agit de dormir en pleine nature.
Pour parfaire l'expérience et puisque la météo s'annonçait plutôt clémente, j'ai décidé de n'installer que la moustiquaire de la tente. 0 précipitations prévues, j'ai vérifié trois fois avant de me coucher. Ok ça devrait le faire. "Bonne nuit et à demain"...
Au final, c'est une nuit sous les étoiles que j'ai passé, bercée par le bruit du vent et le son des cloches des moutons, toujours aussi curieux, flânant auprès de ma tente.
Oui bon, c'était sans vous raconter l'épisode de 4h30 du matin, quand la pluie, sortie de nulle part, m'a gentiment lavée le visage et réveillée en sursaut. 3min30 c'est le temps qu'il m'a fallu pour sauter en dehors du duvet, retirer mes chaussettes, courir à pieds nus sous la pluie, tenter d'installer la seconde couche sur la tente, dans le noir, et le plus vite possible. Je crois que je n'avais jamais été aussi rapide dans le montage d'un campement haha.
Au réveil, encore plus de magie. C'est les yeux encore un peu fatigués que je redécouvre le paysage sous les quelques rayons de soleil traversant les nuages... Pas de temps à perdre, je range le tout, reprend mon sac et reprend la route car à 11h, une autre aventure m'attend.
Un dernier au revoir à mes amis les moutons et à ces paysages suivi de quelques minutes sur la route à me réjouir de cette petite victoire et me voilà de retour à Voss.
Je prends la télécabine pour arriver sur un autre sommet où m'attend un troisième et dernier challenge : redescendre par la piste de VTT de niveau intermédiaire, défi que je m'étais lancé ce début de saison. Après avoir supplié tout l'été les guides pour m'accompagner, Claire a fini par céder. 7 km de descente à travers boue, montagne, terrain rocailleux et forêt... Je ne m'étais jamais sentie capable de la faire par moi-même étant toujours considérée comme débutante.
Après une crevaison, des dizaines de "whoooop", quelques atterrissages plus ou moins contrôlés sur le sol, 6 ou 7 parties esquivées et quelques bleues sur les cuisses, je l'ai fait ! 1h30 au lieu des 40 minutes pour Claire quand elle est seule, mais je l'ai fait ! Et je ne vous parle même pas du plaisir de me couvrir de boue quand on prenait de la vitesse pour ne pas rester les roues coincées dans le sol... J'étais sans voix.
Vous l'aurez compris, j'ai pris un peu de temps ce mois-ci pour me concentrer davantage sur moi, mes envies, mes besoins, mon bonheur.
C'est sur les routes de Nouvelle-Zélande que je m'étais sentie la plus connectée à moi-même. C'est sur les routes de Norvège que je me suis sentie la plus étrangère à moi-même.
J'avais l'espoir en venant dans ce pays de retrouver un nouvel endroit où respirer et me sentir vivante à nouveau. Mais j'avais tort. Je cherchais à l'extérieur ce que je ne pouvais trouver à l'intérieur. Et je me perdais chaque jour un peu plus.
En réalité, il n'y a pas que le deuil que j'ai traversé. Il y a cet "après Nouvelle-Zélande", les déboires de ma relation avec Ben, cette nouvelle intégration culturelle. Quand chez les kiwis je prenais la vie avec philosophie et "sans aucun soucis" (oui un peu de Roi Lion ne nous fera pas de mal) c'est aussi parce que j'étais en permanence connectée à mes envies, mes besoins. Parce que ce voyage, je le faisais pour moi avant tout. Depuis, j'ai complètement oublié de me consacrer du temps. J'ai fait ce voyage vous me direz, j'ai visité pas mal aussi, oui c'est vrai. Mais je l'ai fait avec Ben. Avec ses parents. Avec mes copines. Je me suis aussi forcée à faire des choses pour les autres, car cela les rendrait plus heureux. Mais j'ai oublié de me demander ce que je voulais vraiment pour moi au fond de moi... Je pensais que cela serait égoïste. Mais c'était en fait la clé pour ne pas l'être... Car quand tu es heureux, ton bonheur rayonne sur autrui et croyez-moi, cela peut changer tout un monde.
J'avais peur aussi d'être seule à nouveau. Plongeant encore un peu plus profondément dans une relation de dépendance aux autres et de distance avec moi-même. J'me suis sentie coupable d'aller aussi mal et j'ai mis toute mon énergie et mon désespoir sur mon couple qui aura finit par plier sous le poids de ma peine.
Mais aujourd'hui, je n'ai plus peur. Les montagnes se franchissent. Même les plus plus hautes et infranchissables. Si je m'écoute et si je me soutiens moi-même, alors je sais que le monde s'ouvre à mes pieds...
Et oui, je suis sûre que je vais encore en surfer des vagues négatives, de désespoir mais en même temps, j'ai envie de dire "merde", on n'a qu'une vie. Et elle vaut la peine d'être vécue pleinement. Avec les autres oui, mais pour soi-même. Et puis, je l'ai expérimenté l'année dernière, les meilleures rencontres, les meilleures expériences, arrivent quand vous êtes en paix avec vous-même... Alors prenez-soin de vous, écoutez-vous, faites les choses aussi pour vous. Car après l'orage, le soleil rayonne. Et entre-deux, c'est plein de jolis arcs-en-ciel.
Love. Co.
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