Vous vous souvenez de l'histoire de la princesse au petit pois ?
C'est l'histoire d'un jeune prince en quête d'une "vraie" princesse. Il fit le tour de la terre mais il avait beaucoup de mal à trouver sa moitié. Il n'était jamais sûr que ses prétendantes soient de véritables princesses. Un soir, alors que la tempête se déchainaît dehors, une jeune fille arriva au château, la robe et les cheveux complètement trempés. Elle s'était perdue après avoir fuit une bataille dans son pays lointain, et annonçait être une vraie princesse. La mère du prince décida alors de la tester, à son insu. Elle plaça un petit pois sous une pile de 7 matelas et offrit ce lit à la princesse sur lequel elle passa la nuit. Au petit matin, quand la reine lui demanda si elle avait bien dormi, la jeune fille rétorqua qu'elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit, gênée par quelque chose de dur, qui lui avait procuré des bleus partout sur le corps. Le Prince, charmé par la jeune fille et maintenant rassuré de son authenticité, la demanda en mariage. Le petit pois fut exposé sous un cube de verre et ils vécurent heureux, eurent beaucoup d'enfants.
Mis à part toutes les parties qui réveillent la féministe en moi dans cette histoire, j'ai récemment repensé à cette histoire en me disant que la princesse devait être une personne à la sensibilité élevée. Une PSE ou HSP en anglais donc. "Une peau aussi sensible ne peut être que celle d'une authentique princesse" nous dit l'histoire... Une fois de plus, bien qu'il y ait des choses à redire avec cette histoire, il y a tout de même une petite partie de celle-ci qui place la princesse et donc les HSP comme des personnes rares, d'exception, que l'on veut avoir dans le royaume, et au pouvoir... Plutôt cool non ?
Pourtant, il y a des matins (beaucoup de matins) où je me reveille et je déteste mon hypersensibilité. Si j'ai bien senti les effets du petit pois du 21ème siècle sur moi, je n'ai pas vraiment de royaume qui soit prêt à m'accueillir, ni même de prince charmant en quête de cette sensibilité si exceptionnelle. Je ne me réveille pas en me sentant comme la princesse au petit pois, mais plutôt comme la chiante au petit pois. Et ce matin aurait pu en faire partie...
UNE JOURNÉE LA PEAU D'UNE HSP
J'ai passé une nuit compliquée. J'ai eu du mal à m'endormir car j'entendais le grondement du chauffe-eau, 2 pièces plus loin. Les draps collaient à ma peau créant des plis qui se coinçaient entre mes jambes et m'empêchaient de me retourner librement. L'odeur des pâtes à la sauce tomate de la veille avait envahi la chambre. De quoi obséder mon esprit et m'empêcher de me détendre. J'ai bien essayé d'ouvrir le flacon d'huiles essentielles à la lavande que j'ai près du lit, mais le parfum qui, au départ, a permis de rafraîchir la pièce, m'est ensuite monté au nez et à la gorge. La lumière artificielle que j'utilise pour mes plantes qui se meurent dans cet appartement en sous-sol, passe à travers le jour de la porte et chaque fois que j'ouvre les yeux, j'ai l'impression qu'il est matin. Parfois rien que le bruit des petites pattes du chat de ma proprio qui vit au-dessus peut me rendre dingue. Et je ne sais pas si c'est mon imagination, mais on dirait que mon mec, qui dort à côté de moi, se bat avec le matelas à chaque fois qu'il se retourne.
Au petit matin, après un réveil difficile, je prends la voiture. Si la radio s'allume et s'enclenche directe sur les informations liées au Covid, j'ai les poils qui se hérissent. Le froid dégagé par le volant coupe la circulation de mon sang et rend mes doigts tout blancs. Heureusement, pour aller au travail, je ne fais pas de covoiturage, sinon il m'aurait fallu encore négocier le siège du passager avant pour ne pas être malade. Parfois, je n'ose même pas demander et c'est avec l'estomac complètement en compote que je rentre chez moi.
Au boulot, à peine j'ai mis les pieds dans l'atelier que je peux dire si l'un ou l'une de mes collègues passe une mauvaise journée... Cette sensibilité face aux émotions des autres me prend souvent aux tripes et bouleverse parfois mes humeurs.
Quand je sors boire un verre ou manger au restaurant, je suis souvent écœurée par les rots que les gens font, à table. C'est un son qui me répugne, sans parler parfois des odeurs qui s'en dégagent.
Quand vient le soir et que l'on regarde un film à la maison, je passe mon temps à sursauter. Chaque mouvement ou chaque son qui créent la surprise me font faire des bonds incontrôlables. Même quand j'ai vu la scène 10 fois déjà.
Quand j'étais plus jeune et que je dormais dans le camping-car, je hurlais le matin quand mon père faisait le café sans ouvrir l'auvent et que la vapeur d'eau qui envahissait l'espace m'empêchait de respirer. C'était comme si je me réveillais enfermée dans un hammam.
Au marché, je ne supporte pas l'odeur d'un stand d'olives, trop fort pour moi.
Le manque de soleil affecte mon moral de manière assez intense.
Je ne supporte pas d'avoir trop froid, ni d'avoir trop chaud.
Le rythme des villes me stresse. Les soutiens-gorges m'empêchent de respirer. Les étiquettes de vêtements me grattent. Les piqûres de moustiques me rendent folles. Et les chaussures de ski sont l'invention la plus douloureuse et la plus insupportable possible pour mes pieds....
IL N'Y A PAS DE BOUTON PAUSE À L'HYPERSENSIBILITÉ
Vous l'aurez compris, je passe beaucoup de temps à me plaindre dans mon quotidien et pour mon mec, dont la sensibilité est plutôt dans la normale, c'est parfois insupportable. Petite, j'ai souvent entendu mes parents et ma sœur me reprocher "Il faut toujours tout penser pour ton confort à toi". J'ai souvent entendu dire de mes amis que j'étais très exigeante avec moi-même et avec les autres. J'ai souvent entendu mes collègues, managers, patrons me dire que j'avais des attentes toujours très hautes, voire "trop" hautes. Et ma mère, de qui je tiens une grande partie de mon caractère et que je soupçonne elle aussi d'être une HSP (personne hautement sensible), s'est toujours elle-même surnommée "Maman la chiante".
Alors j'ai grandi avec l'idée que j'étais chiante moi aussi. Que cet inconfort quotidien qui me forçait parfois à demander aux autres, et surtout à mon copain, de s'adapter avait fait de moi cette personne pénible à vivre. Et qu'il fallait que j'apprenne à faire taire ces besoins du mieux que possible...
Le problème c'est qu'il n'y a pas de bouton pause à l'hypersensibilité. Si 80% de la population passe son temps à reprocher aux autres d'être trop sensibles, trop exigeants, trop chiants, nous sommes tout de même 20% de la population à vivre dans l'inconfort quotidien d'une société non pensée pour les HSP. Tout va vite, tout est bruyant, tout est lumière, couleur, odeur, son, toucher, sans arrêt. Nos sens sont constamment bousculés de mille côtés. Et je ne parle même pas de l'hyperactivité émotionnelle d'un monde dirigé par la peur et les médias...
Si l'on peut parfois trouver les outils pour mettre son cerveau en pause, c'est quasi impossible d'empêcher nos sens de réagir. Si l'odeur de parfum dans une voiture me rend malade, je n'ai que deux options : ouvrir les fenêtres et demander à ce que l'on ne diffuse plus de parfum le temps du trajet, ou changer de voiture... Si un son que quelqu'un produit en permanence, continue de me faire sursauter, deux choix : quitter la pièce, ou demander à la personne de s'accommoder. Impossible de dire à mes oreilles d'arrêter d'entendre et à mon nez d'arrêter de sentir... Et croyez-moi, ce n'est pas par manque de volonté.
J'ai passé toute une partie de ma vie à tenter de formuler mes besoins et à demander aux autres s'il serait possible éventuellement de faire moins de bruit, d'ouvrir la fenêtre, de monter à l'avant... et j'ai passé le reste du temps à m'entendre dire, à cause de ces demandes, que j'étais pénible à vivre au quotidien. Et j'ai fini par le croire...
MAIS... ET SI CE N'ÉTAIT PAS NOUS LES HSP QUI ÉTIONS INADAPTÉS AU MONDE, MAIS PLUTÔT LE MONDE QUI ÉTAIT INADAPTÉ À NOUS ?
En effet, nous ne pouvons décider de notre hypersensibilité à l'environnement qui nous entoure. Qui plus est, par le passé, c'est cette même sensibilité qui permettait la survie de notre espèce ! Nous étions les premiers à donner le signal s'il fallait courir pour échapper à un lion... Et c'est bel et bien grâce à nos sens surdéveloppés que cela pouvait ce produire... En gros, notre hypersensibilité, c'était notre super-pouvoir et les autres nous appréciaient certainement davantage à l'époque, surtout quand il s'agissait de leur sauver la vie.
Dans un monde où l'Homme est devenu roi, tout semble parfois n'être plus qu'un combat d'égo. Il est plus facile de reprocher aux autres d'être trop sensibles plutôt que de se regarder en tant qu'être, non ou moins sensible.
POURTANT, CE N'EST PAS NOUS, HSP, QUI SOMMES TROP SENSIBLES, C'EST LE MONDE QUI NE L'EST PAS ASSEZ...
En réalité, HSP ou non HSP nous avons tous notre part à jouer pour faire de ce monde un endroit plus adapté à tous.
A tous les HSP aujourd'hui qui me lisent dans cet article, sachez que vous n'êtes pas seuls, et vous n'êtes pas le problème. Avoir des besoins et les formuler est ce qu'il y a de plus sain pour vous et pour vos relations. Je sais à quel point il peut être difficile d'oser, surtout quand on a passé des années à se faire rabattre ou se faire taire. Mais un pas, après l'autre... C'est important pour votre équilibre à vous et si l'on vous répond que vous avez trop de besoins ou que vous êtes pénibles, alors changez d'interlocuteurs... Le monde est suffisamment inconfortable tel qu'il est pour se rajouter de la souffrance inutile.
Quant aux non HSP qui me lisent, j'aimerais juste pouvoir dire : oui, il y a des gens qui apprivoisent le monde d'une manière complètement différente de la vôtre. Ils ressentent le monde, beaucoup plus intensément. Et ce n'est pas parce que c'est différent de vous, que cela veut dire qu'ils ont tort... (ou qu'ils sont chiants.) Je suis sûre que si l'on vous mettait face à une odeur désagréable et qu'on l'exagérait x1000, vous aussi, commenceriez à vous plaindre... Imaginez cela pour tous vos sens, et en continue... En avoir conscience est la plus grande étape. Ensuite, informez-vous, gardez l'esprit ouvert et pensez à vous adapter, une fois de temps en temps, vous aussi :)
Parce qu'au fond, qui sait, peut-être que s'ils vécurent aussi heureux et s'ils eurent autant d'enfants c'était parce que le duo princesse au petit pois et prince charmant était un duo HSP / non HSP !
Love.
Co.
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