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Photo du rédacteurCoralie Marichez

Et si, parfois, pour pouvoir mieux agir, nous devions fuir ?



Parfois, je me surprends à essayer de donner un sens à tout cela. Parce que j'ai du mal à rester assise à ne rien faire. Je veux comprendre. J'ai besoin de comprendre, comment et pourquoi nous en sommes arrivés à un monde aussi fou que celui-là. Et pour moi, cela n'a aucun sens. Je veux que le monde change. J'ai envie de faire ma part. J'essaie de faire ce que je peux, à mon niveau. Mais, au réveil, jeudi dernier, tout ce que j'ai pu faire c'est rester bouche-bée. Je me suis sentie littéralement glacée par les nouvelles. Tout ce que je voulais, c'était m'enfuir. Me cacher pendant une journée. Et vivre ma vie, comme si rien ne s'était passé.


Le problème, c'est qu'on m'a souvent dit que si je voulais du changement, n'importe quel changement, je devais agir. Et que fuir, c'était être faible... Mais, et si pour une fois, fuir n'était pas synonyme de faiblesse ? Et si c'était nos cerveaux d'hypersensibles, qui ne pouvaient parfois, pas agir ? Et si parfois pour agir, nous devions laisser nos cerveaux fuir ?



TROP SENSIBLE POUR AFFRONTER LA RÉALITÉ ?


Certains matins, je me lève, coupable, après une bonne nuit de sommeil, car j'ai conscience que d'autres n'ont pas fermé l'œil de la nuit, à cause des bombes et des sirènes qui résonnent à chaque seconde. Je me sens coupable de dévaler les pentes juste pour le plaisir, alors que d'autres sont dans une course contre-la-montre pour fuir leur pays. Je me sens coupable de prendre un bain, quand je sais que d'autres n'ont pas accès à l'eau potable au quotidien. Je me sens coupable d'acheter autant de légumes emballés dans du plastique quand j'ai conscience que le monde marin s'étouffe avec... Je me sens coupable d'avoir un visa qui me permet de rester au Canada pendant que d'autres sont en galère et demande l'asile, pour fuir la guerre...


Que ce soit les bombes qui détruisent des villes dans plusieurs pays en ce moment même. La planète qui brûle, qui se noie, qui crie à l'aide, et nos gouvernements qui ne bougent pas. La vie animale que l'on s'est approprié sans plus aucune forme de respect... Nos manières de consommer... J'ai parfois du mal à continuer de vivre au quotidien comme si de rien n'était. Je rêve souvent de pouvoir faire comme tous ces gens, qui vivent reculés de tout, capables d'ignorer, ou du moins, de se distancer, complètement de la situation du monde dans lequel on vit. Mais je suis une hypersensible. Et c'est bien parce que je suis touchée par tout, tout le temps, que je me soucie trop de tout, tout le temps. Et c'est parce que je me soucie trop de tout, tout le temps, que je ne suis pas toujours capable d'affronter la réalité de plein fouet.


TROP SENSIBLE POUR AGIR ?


Il m'a fallu des années, après les attentats de Paris, pour me sentir à nouveau en confiance avec le monde. C'est à ce moment-là que j'ai arrêté d'écouter, de regarder ou de lire les infos. À l'époque, j'avais l'impression que les médias avaient envahi mon monde intérieur. Je sentais mon bien-être m'échapper, comme dévorée un peu plus à chaque seconde. Quand je suis partie en Nouvelle-Zélande, j'ai décidé que ce serait fini. J'allais reprendre le contrôle de mes propres sentiments, de mon propre bonheur et de mes propres peurs. Je savais que si quelque chose d'extrêmement grave se produisait, je le saurais grâce à mes amis ou à ma famille. Je n'avais pas besoin de la télévision, de la radio ou des journaux pour me faire peur 24h/24.


Puis, j'ai perdu mon père. Et il y a eu la Covid. Et les incendies partout dans le monde l'année dernière. La liste ne s'arrête jamais. Pour être honnête, il m'a fallu des mois à nouveau pour me sentir à nouveau positive face à tout cela. Parfois, tout me semble si intense que j'ai l'impression d'avoir le cerveau qui bug. Un peu comme si je n'avais plus aucune pensée rationnelle. Rien que des émotions. Quand cela m'arrive, tout ce que je peux faire c'est ressentir. J'ai longtemps cru que je n'étais vraiment pas normale, jusqu'à ce que je découvre la science cachée derrière les cerveaux dits "hyper" (HSP et/ou Haut Potentiel) dans le livre de Cathy Assenheim : "Mon cerveau est hyper".


Vous en avez probablement déjà entendu parlé, mais le cerveau est divisé en deux hémisphères, le cerveau droit, également appelé cerveau émotionnel, et le cerveau gauche, souvent appelé cerveau rationnel. Habituellement, ces deux hémisphères travaillent en équipe, alternant leurs rôles et leurs fonctions ce qui permet à notre corps et à notre esprit de fonctionner. Cependant, pour un cerveau hyper, la situation se complique. L'auteur explique que si le cerveau émotionnel est trop intensément enclenché, il peut se retrouver coincé dans un cycle d'émotions fortes, empêchant alors le cerveau gauche de fonctionner et ne nous laissant plus aucun accès à des pensées plus rationnelles. Cela expliquerait pourquoi les personnes dites "hyper" peuvent dramatiser des situations qui ne semblent pas aussi graves aux yeux des autres, et pourquoi il peut être si difficile pour nous d'en sortir.


Ou en d'autres mots : quand on ressent trop le monde, il devient parfois impossible d'agir...


ET SI MA SENSIBILITÉ ÉTAIT UN SUPER-POUVOIR QUI ME PERMET D'AGIR


Quand j'me suis mise sur mon ordinateur pour publier l'article de la semaine, jeudi dernier, je me suis dit que cela n'avait aucun sens. Parler de "Quels outils pour apprendre à s'aimer soi" me paraissait complètement futile et déplacé par rapport à la situation du monde. Sur le moment je me suis dit qu'il y avait bien trop d'autres sujets plus importants à aborder que celui de l'amour de soi... Et puis, cette semaine, je suis tombée sur ces mots de Mari Andrew :




Si je traduis cela donne :

Je me lave le visage avant de me coucher alors qu'un pays est en feu. C'est stupide de se laver le visage et stupide de ne pas le faire. Il n'en a jamais été ainsi et il en a toujours été ainsi.

Quelqu'un a toujours levé son verre dans un hémisphère, alors que quelqu'un d'autre perdait sa maison dans l'autre, pendant que quelqu'un tombait amoureux dans le même immeuble où quelqu'un faisait son deuil. Le fait que la souffrance, la banalité et la beauté coïncident est insupportable et remarquable."


C'était les mots parfaits, ceux dont j'avais exactement besoin. Ceux qui m'ont rappelé que oui, la souffrance, la banalité et la beauté ont toujours co-existé. Que si le monde est parfois trop intense, ce n'est pas grave de le fuir et de retourner à notre quotidien le temps d'un instant. Parce que parfois, se protéger et fuir ce qui nous submerge pour un temps donné, ce n'est pas être faible, bien au contraire. C'est avoir l'intelligence de s'offrir l'espace et le temps dont on a besoin pour réfléchir et pour agir. Parce qu'au final, je suis convaincue que parmi ceux que l'on retrouve aux premiers rangs des mouvements pour le monde et pour la planète, il y a un bon paquet d'hypersensibles. Et que c'est en s'écoutant soi-même, que l'on se rend le plus utile au monde.


Love.

Co.


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