Pourquoi nous devrions parfois nous enfermer avec nos fantômes du passé (ou comment j'ai survécu à 6 semaines de confinement avec mon ex...)
Ah l'amour. C'est de loin un grand sujet dans ma vie. Sur ces 14 dernières années, j'en ai passé seulement 2 en tant que célibataire...Et je ne vous parle même pas de 24 mois d'affilée. Vous pourriez penser que je m'amusais en explorant toute la liberté que m'offrait ma jeunesse mais non. J'étais bien trop occupée à tenter de sauver une relation après l'autre (ou à en faire le deuil) que je n'ai eu, jusqu'à maintenant, que 3 histoires d'amour dans ma vie. Je crois que je suis ce genre de personne obstinée à sauver les meubles coûte que coûte, qui n'ose jamais trop quitter le navire même quand celui-ci a déjà bien commencé à couler.
Toutefois, ma dernière "love story" était plutôt spéciale. Si vous suivez mes récits, vous savez que j'ai rencontré Ben quand j'étais en Nouvelle-Zélande, où nous avons vécu comme deux grands enfants, fou l'un de l'autre, pendant presque un an. La suite ? J'ai perdu subitement mon père et pendant que j'essayais de faire face au deuil et tout ce que cela engendre, nous nous éloignions l'un l'autre, prenant peu à peu des chemins différents. Quand nous nous sommes séparés, j'ai mis beaucoup de temps à accepter que ce soit la fin. Nous étions dans deux endroits opposés sur cette planète et pourtant je ne pouvais m'empêcher de penser à nous... Je n'arrivais pas à me pardonner tout ce qui venait de se dérouler. Même en sachant que j'avais tort, au fond de moi je me tenais toujours autant responsable de la fin de notre histoire.
Quand j'ai atterri en Patagonie, à la fin du mois de janvier, j'ai commencé à comprendre réellement tout ce que j'avais traversé, la manière dont je l'avais fait et la force que j'avais eue, malgré tout. Je me suis rendue compte que je n'étais vraiment pas le monstre que j'avais cru être avec Ben l'an passé et qu'il était peut-être temps de tourner la page et de me libérer de notre relation.
Nous avons passé 6 mois sans se voir. Jusqu'à ce que ce coronavirus vienne chambouler un peu l'histoire. Alors que j'étais coincée et paniquée en Argentine, Ben m'a écrit. Un simple message pour prendre de mes nouvelles et vérifier que j'allais bien malgré la situation. "euhhh pas vraiment." J'étais bloquée en Patagonie, ma formation venait d'être annulée, je ne savais pas vraiment où aller... J'avais vraiment besoin de rejoindre ma famille ou mes amis pour avoir du soutien, mais la France était déjà en zone rouge. Et puis ma vie n'est plus vraiment là-bas de toute façon. D'une conversation à une autre, lui et sa famille m'ont alors proposée de m'aider si je planifiais un retour dernière minute en Nouvelle-Zélande. "Mouais... ce n'est pas forcément idéal comme situation... Mais en même temps dans quel autre pays puis-je aller ? J'ai des amis là-bas et j'aime tellement la Nouvelle-Zélande... Y retourner un jour, faisait de toute façon partie de mes projets. Alors pourquoi pas ?!" J'ai arrêté de penser, j'ai sauté dans un avion et dans deux jours, cela fera 6 semaines que je vis chez lui. Et voilà. C'est comme ça que j'ai finie confinée avec mon ex.
La plupart de mes amies m'ont dit : comment fais-tu pour survivre au fait d'être enfermée avec lui pour une durée aussi longue ?
En fait, le plus dur, ce n'était pas de vivre avec lui mais d'affronter ces fantômes du passé. Ne vous trompez pas, ce n'est pas lui le fantôme, oh ça non, pour être réel il est bien réel. Ce dont je parle, ce sont toutes ces ombres et souvenirs d'il y a un an. Me revoir moi, en train de me noyer dans ma tristesse et dans ma dépression après la perte de mon père, entendre résonner en moi nos disputes, nous revoir nous détruire à petit feu et nous entrainer l'un l'autre dans des pensées plus négatives les unes que les autres... C'est tout cela que j'appelle mes fantômes du passé. À peine j'avais rejoint Ben qu'ils me hantaient déjà.
Quand j'ai choisi de revenir en Nouvelle-Zélande je ne l'ai pas fait pour lui. J'avais une idée plutôt claire de ce dont j'avais besoin dans ma vie et de qui j'avais besoin à me côtés et je savais au fond de moi qu'il n'était plus cette personne. Je n'avais pas envie de réparer le passé ou de reconstruire un futur à deux. Toutefois, j'étais tout de même consciente qu'en me retrouvant coincée avec lui, je prenais le risque d'affronter plus que ce que je ne pouvais m'imaginer... Mais aventurière un jour, aventurière toujours, j'ai choisi de prendre le risque. Et, évidemment, tout ce que l'on pourrait attendre de ce genre de situation arriva... Alors oui, cela aura été dur et très confus. Mais pour autant, je recommanderai l'expérience à quiconque souhaite se connaître davantage. Pourquoi ? Parce que je crois qu'il n'y a que dans ces moments-là que l'on fait pleinement le deuil d'une histoire venue directement du passé...
Alors, qu'est-ce que j'ai appris de cette situation ?
J'étais coincé dans l'instant présent, avec les fantômes du passé et l'incertitude d'un futur que nous avions eu un jour en commun mais qui n'existait plus... Plutôt inhabituel comme situation mais plutôt commode. Pour survivre, un seul secret :
Je me suis réveillée chaque matin en me répétant de ne penser uniquement au présent. Le passé par définition n'est plus. Quant au futur, il n'existe pas encore. Ce que je pensais de moi il y a un an, ce qu'il pensait de moi il y a un an, celle que j'étais, celui qu'il était, plus rien de cela n'existe aujourd'hui. Je suis là, ici et maintenant. Je peux bien penser le connaître, mais je ne le connais plus. Et c'est la même chose pour lui. Les gens changent. Moi aussi. Chaque jour sera l'occasion d'écrire une nouvelle page. Sans questions. Sans douleurs du passé. Sans projets pour le futur. Je suis ici, maintenant et maintenant seulement.
Quand j'ai commencé à enfin lâcher prise, j'ai pris conscience que nous avions là l'opportunité de construire de nouveaux souvenirs qui viendraient peu à peu remplacer tous ces fantômes qui me hantaient. Rires, jeux, blagues et complicité ont alors refait surface. Nous permettant petit à petit de redevenir "comme avant". Ces grands enfants que rien n'arrête. S'acceptant l'un l'autre tel que l'on est. À la différence que cette fois, nous serions amis.
Je ne vais pas mentir, cela n'aura pas été facile. Cela aura même été très chaotique, secouant mon esprit dans tous les sens pendant 6 semaines. Je me suis réveillée chaque jour en affrontant cette vérité : je pensais peut-être avoir tourné la page mais d'une manière, je l'aime toujours. D'un amour qui m'aura fait le détester chaque fois que nous nous amusions, que nous riions, que nous partagions des visions du futur... Je l'ai détesté parce qu'on s'entendait bien. Parce que je n'ai jamais eu cette connexion avec qui que ce soit auparavant. Parce que je me suis sentie enfermée et très seule à ses côtés. Mais au lieu de me noyer dans toutes ces vagues brouillées d'émotions et de sentiments, je les surfais. Jour après jour. En les laissant aller et venir. Pour mieux les comprendre. Et avancer. Quoi qu'il arrive.
Faire le choix de me confiner ici n'était certainement pas la décision la plus saine d'esprit que j'ai pu prendre et ce n'est sûrement pas donné à tout le monde. Mais cette situation, au final, était exactement la dernière étape dont j'avais besoin pour finalement tourner la page de notre histoire. La plupart de nos conversations avant notre rupture l'année passée, tournaient autour du fait que j'avais changé, que je m'étais éteinte et je m'étais perdue en chemin. A la fin de notre relation, il n'avait plus aucun espoir pour moi, convaincu que celle qu'il avait sous les yeux serait la seule Coralie qui existerait à présent. Et c'est exactement ça, qui m'a tué à petit feu tout ce temps. Parce que je n'ai jamais vraiment quitté le navire à mon sujet. Je savais que je trouverais ma propre porte de sortie, quand je serai prête. Et je l'ai fait.
Je sais que l'on ne devrait jamais attendre de quelqu'un d'autre que soi ce genre de révélation et ma thérapeute, si je la voyais toujours, me dirait surement que la seule personne que j'avais besoin de convaincre c'était moi-même... Mais j'avais besoin au fond de moi de revenir et de lui prouver qu'il avait eu tort. Non pas pour lui, il n'a probablement rien remarqué de tout cela de toute façon. Mais pour moi. Aujourd'hui, j'ai le sentiment de m'être enfin pardonnée. J'ai cru tout ce temps que j'avais été le problème mais j'avais tort. Je me suis tellement battue pour sauver notre relation que j'en avais oublié que parfois, ce n'est tout simplement pas notre destinée. J'ai vu à quel point l'on peut être bénéfique l'un pour l'autre. Mais j'ai compris aussi à quel point la situation peut être toxique pour moi. Il adore être célibataire et indépendant. J'adore être en couple et pouvoir partager toute ma vie avec quelqu'un. Alors, je mérite quelqu'un qui a les mêmes envies que moi. Et oui, bien que cela me brise le cœur de le dire, j'ai appris ces dernières semaines que même deux personnes qui furent âmes sœurs un jour, peuvent prendre des chemins différents parfois. Au final, peu importe la situation, nous en serions probablement arrivés aux mêmes conclusions à un moment ou à un autre.
Alors, malgré le fait qu'être confinée avec les fantômes de mon passé fût une sacrée aventure, si je devais le faire à nouveau, je n'hésiterai pas une seconde. Quand ce confinement sera terminé, je pourrai enfin partir et je sais que le jour où je passerai la porte de cette maison, je me sentirai libre. Cela sonnera pour moi comme la fin d'un chapitre et le début d'une autre histoire. S'il doit en faire partie en tant qu'ami, et bien, qu'il le soit. Mais je pars cette fois sans regret lié à notre histoire et prête à entamer la suite.
L'amour donc. De loin un grand sujet dans ma vie. En passant la plus grande partie de mon temps dans une relation amoureuse, je n'ai jamais appris comment m'aimer moi-même. Je pensais l'avoir fait, juste avant de rencontrer Ben. Mais ces dernières semaines m'ont permis de réaliser à quel point j'avais pu fermer les yeux là-dessus. Durant tout ce confinement, je n'avais qu'une envie : savoir ce qu'il pensait de moi... Pourquoi. Pourquoi cela m'obsédait-il tant ? Pour me voir à travers ses yeux à nouveau ?! J'ai toujours été plus amoureuse de l'image qu'il avait de moi que de celle que j'avais de moi-même. Et de ce fait, notre relation toute entière a toujours été compromise d'avance... Je pensais vraiment avoir fait le deuil de notre histoire lors de mon voyage aux îles Lofoten, mais il me restait apparemment quelques étapes à traverser. J'ai bien souvent rêvé de fuir toute cette situation, mais nous étions en confinement, je ne pouvais donc aller nulle part. Et au final, heureusement. Parce que cela m'aura forcée à affronter tous ces démons. Une dernière fois. Pour en tirer toutes ces dernières leçons dont j'avais besoin. Et au lieu de me précipiter à nouveau dans une relation amoureuse, je peux cette fois prendre le temps dont j'ai besoin pour apprendre à m'aimer moi-même avant de dévouer mon temps et mon affection à quelqu'un d'autre.
Parce qu'on ne va pas se mentir, la plus belle des histoires d'amour que l'on puisse vivre, c'est celle que l'on partage d'abord avec soi-même.
Love. Co.
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